Claire, David, Carine et le compagnon de Dominique sont schizophrènes. Ils ont des hallucinations, des idées délirantes, des pensées et des comportements désorganisés, des crises d'apathie. Ils souffrent mais ne sont pas dangereux. Leur maladie se soigne.
A l'âge de 12 ans (elle a aujourd'hui 20 ans), Claire a commencé à s'isoler. « Je n'avais plus envie de voir mes amis. Je pleurais beaucoup. Je ressentais toujours une grande tristesse et plein d'angoisses. J'avais mal à l'intérieur de moi, je ne supportais plus les gens. Je me plongeais dans le travail ». Jusqu'alors, Claire était bonne élève. Une belle fille plutôt rigolote. Ses parents habitaient à Barr. Cette année-là, sa soeur, son aînée d'un an, avait redoublé. A la rentrée, on avait inversé leur noms : Claire s'était retrouvée dans la classe où aurait dû être inscrite sa soeur et vice versa. L'erreur, signalée au collège, ne fut pas rectifiée. Une broutille sans conséquence aux yeux de l'administration. Chez Claire, elle entraîna le déclenchement d'un terrible stress. « Toutes mes copines étaient dans la classe de ma soeur. J'avais l'impression qu'elles m'abandonnaient pour aller vers elle ». « Tu dois mourir », lui disent ses voix Le déménagement de la famille à Colmar, deux ans plus tard, pour raisons professionnelles, aurait pu se révéler providentiel. Il ne fit qu'empirer les choses. Claire ne s'intègre pas dans le nouvel établissement. Elle a désormais des hallucinations auditives. « J'entends des voix qui me critiquent de façon horrible. Je ne saurais dire si elles sont masculines ou féminines, mais elles sont très agressives. Elles me disent : "Tu es conne, tu ne mérites pas de vivre, tu dois mourir". Elles ne me donnent pas d'ordre, ne me demandent pas de sauter par la fenêtre, mais elles arrivent à me persuader que je suis totalement nulle. Je me dévalorise. Je n'arrive pas à me regarder dans un miroir sans penser à des choses négatives ». Envie de rester au fond du lit et de mourir Ses parents décident de retirer Claire du collège et de lui faire suivre des études par correspondance. Lorsqu'ils apprennent sa maladie, ses camarades de collège et quelques profs créent un comité de soutien et lui rendent visite à l'hôpital de Rouffach. La jeune fille y met le holà : elle préfère la solitude, même si, à l'hôpital de jour de Rouffach ou à l'extérieur, elle participe à plusieurs activités collectives : la natation, le yoga, la peinture. « C'est très déroutant, confie sa maman. L'humeur de Claire peut évoluer d'heure en heure. En ce moment, elle se sent bien, mais vous l'auriez vue ce matin... Il faut toujours relativiser, apprendre à vivre au jour le jour. Au début, on avait tout faux, son père et moi. On l'obligeait à voir du monde, alors qu'elle ne voulait, qu'elle ne pouvait pas ». Toutes ses affaires à la poubelle Son rêve est de vivre indépendante, dans la grange que ses parents font aménager derrière leur maison, de se marier un jour et d'avoir des enfants. « Depuis que je suis malade, ma vie est en suspens. C'est dur de faire des projets d'avenir, mais je sais qu'un matin je me réveillerai et que tout ira bien après ». Véronique, sa maman, a rencontré des schizophrènes qui mènent une vie de famille normale : « Au bout du tunnel, il y a le soleil. Je voudrais qu'il brille un peu plus souvent pour Claire ». On n'en guérit pas, mais on peut vivre avec Dominique n'a pas laissé tomber son compagnon, devenu schizophrène à la suite d'un stress professionnel (une promotion promise, puis refusée), il y a deux ans, à l'âge de 34 ans, après six années de vie en commun. Dominique souffre : du secret médical que les psychiatres opposent à celle qui n'est que la concubine du malade ; des soi-disant amis qui ont disparu dès que le mal est apparu ; des relations désormais compliquées avec son compagnon, atteint de bouffées délirantes chroniques. « Il se simplifie la vie au maximum. Il ne fait même plus les courses. Mais six ans de bonheur contrebalancent largement deux ans de schizophrénie, dit Dominique. Cette maladie, nous allons la vaincre ensemble ».
C.K.
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