Frères et soeurs de schizo




Anne-France (à gauche) et Adeline : « Il ne faut pas mettre les malades dans du coton. Il faut parfois les stimuler, les bousculer. Mais pas trop... »(Photo DNA - Christian Motsch)



Maladie du cerveau, la schizophrénie est difficile à accepter par ceux qui en sont atteints. Leur entourage souffre aussi, les parents bien sûr, mais également les frères et soeurs.

 Un adolescent : « Il est fêlé, mon frère, c'est tout ». Une soeur : « Je lui reproche de faire semblant, mais bien sûr, il ne fait pas semblant, c'est sa maladie ». Une mère : « Oh, non, ce n'est pas possible, je n'en peux plus ! ». Un père : « Je n'ai presque plus aucune relation avec mon fils depuis cette maladie ». Un frère : « De toute façon, moi, je ne compte plus, je ne suis pas malade ».
 Ce sont des extraits de témoignages qui seront projetés vendredi lors de la conférence de l'association Schizo Espoir (notre encadré). Ils en disent long sur les difficultés rencontrées par les familles confrontées à une maladie que les médias montent en épingle à chaque fait divers sanglant attribué à la « schizophrénie » de son auteur. Pourtant, tous les schizophrènes ne sont pas des meurtriers psychopathes, loin de là.

Pensez d'abord
à vous !

 « Ça me révolte qu'on associe toujours la schizophrénie à la violence », dit Adeline, 32 ans, comptable, dont la soeur Carine, 34 ans, a développé la maladie il y a cinq ans (*). Les deux soeurs étaient très proches. « Carine a eu des délires mystiques. Sa personnalité, ses goûts, ses propos ont complètement changé. Au début, je l'ai rejetée, j'avais honte. Elle souffrait de mon éloignement et cela me faisait souffrir de la voir souffrir », raconte Adeline.
 Il a fallu qu'elle aille mieux elle-même pour pouvoir aider sa soeur. « Pensez d'abord à votre propre vie, conseille-t-elle à ceux qui côtoient des schizophrènes. Il n'y a rien d'égoïste à ça. C'est la seule façon de les aider ». Le Dr Yann Hodé, psychiatre praticien à Rouffach, confirme la pertinence de l'approche : « Ce n'est pas toujours évident, mais les familles doivent fonctionner de la façon la plus normale possible ».
 Anne-France, 25 ans, est étudiante. Son frère Jean-Yves, 28 ans, a commencé à avoir des hallucinations il y a huit ou neuf ans, alors qu'il était étudiant en médecine. Il n'a jamais fait preuve de violence, mais s'est replié sur lui, comme beaucoup de schizophrènes qui se montrent apathiques, comme « éteints ». « J'ai ressenti envers mon frère toute la panoplie des sentiments humains, la honte, la peur, la colère. Je l'ai soupçonné de simulation », avoue Anne-France.
 Quand Jean-Yves a vu s'éloigner ses copains, sa soeur s'est interrogée sur le sens de l'amitié. Elle aussi a réduit le champ de ses relations. « Tous les autres finissaient par devenir des cons à mes yeux. Désormais, si les gens prennent mal la maladie de Jean-Yves, je me dis tant pis pour eux. Ils passent à côté de quelqu'un de bien ». Andréa, 15 ans, dont le frère David, 24 ans, malade depuis six ans, est à nouveau hospitalisé, affirme ne pas être « perturbée ». Sa mère n'en est pas aussi sûre...

On devient zen

 Serge, 42 ans, agent d'exploitation, sait depuis moins d'un an que son frère Éric, 25 ans, est schizophrène. « Il est assez amorphe. Il n'a plus de vie sociale. Nous n'étions pas très proches, mais je culpabilise lorsque je cherche à m'éloigner de lui. En écoutant Adeline et Anne-France, qui ont beaucoup plus d'expérience, je constate que mes réactions sont normales. Face à cette maladie, on relativise beaucoup. On devient zen, presque bouddhiste ».
 Yann Hodé sourit. Il sait qu'on peut, sinon guérir, du moins s'accommoder de la schizophrénie, que 50 % des malades ont l'espoir de retravailler et les autres une chance de renouer avec une vie sociale. Le rôle de la fratrie est primordial dans cette évolution.



Claude Keiflin


(*) Notre page "caractères" du 25 janvier 2004.


© Dernières Nouvelles D'alsace, Mercredi 09 Mars 2005.. Tous droits de reproduction réservés

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