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Dans les locaux du centre hospitalier de Rouffach,
le Dr Hodé poursuit ses recherches sur l'origine de la schizophrénie

Paroles d'espoir

Schizo Espoir poursuit, auprès du grand public, son action de sensibilisation autour de la schizophrénie. Ses membres se réunissent aujourd'hui à Rouffach pour faire le point.

Ils sont déjà 250 membres dans toute l'Alsace, à se réunir sous la bannière de l'association Schizo Espoir. Née en 2002, cette association regroupait à l'origine des parents épuisés par le parcours médical de leurs enfants, plus parcours du combattant que d'aidant. Avec le Docteur Yann Hodé, psychiatre au centre hospitalier de Rouffach, et spécialiste dans ce domaine, les parents ont fédéré leurs énergies, pour créer ce lieu d'échanges, de discussions, d'entraide.

Une personne sur cent

En trois ans, les membres de Schizo Espoir en ont parcouru du chemin, pour faire entendre leur voix et ne plus laisser la schizophrénie dans le rang des maladies honteuses et souvent mal définies. Cette maladie touche le cerveau d'une personne sur cent, quelle que soit son origine sociale ou l'éducation dont elle a bénéficié. Aucune famille n'en est à l'abri, mais aucune n'est responsable de son apparition. « La schizophrénie se déclenche entre quinze et vingt-cinq ans, avec différents types de troubles », explique le Dr Hodé, « certains sont très impressionnants comme les hallucinations, les idées délirantes, un sentiment fort de persécution ou encore une pensée désorganisée. » Au-delà de ces signes apparents se cache une difficulté à prendre des initiatives, ce que l'on peut facilement prendre pour de la paresse. « C'est faux », précise le Dr Hodé, « il s'agit d'un signe caché mais très important de la maladie. Les schizophrènes peuvent, pendant des mois voire des années, rester dans cet état apathique sans pouvoir s'en dégager tout seul. » Ces symptômes combinés chez une personne « dont l'oeil ne brille plus » doivent alerter les familles, souvent démunies ou mal informées, qui peuvent trouver en Schizo Espoir une oreille attentive et des clés pour mieux comprendre ce qui leur arrive. « C'est une maladie qui se soigne, assure le Dr Hodé, grâce à plusieurs actions combinées. La première est le traitement médicamenteux qui permet d'atténuer voire de supprimer les signes très voyants. Ensuite, il faut éduquer le patient face à sa maladie pour qu'il l'accepte et puisse agir sur elle. Mais pas tout seul. Ensemble, nous pouvons travailler en thérapie à réduire les déficits de mémoire, de concentration, de pensée, pour que le patient reprenne le "pilotage automatique" en main. Pour qu'il puisse aussi réapprendre à vivre, en famille, en société, manger, donner un coup de téléphone… » L'idée est de permettre au malade de conserver un équilibre pour vivre le plus normalement. « Un peu comme la débroussailleuse utilisée pour éviter les feux de forêt. » L'hospitalisation s'avère parfois utile, mais pas indispensable dans le cas d'une forme peu sévère de la maladie. « Cela dépend aussi de la réaction du malade face au traitement », souligne le psychiatre, je suis des patients qui ont une vie tout à fait normale, un boulot, une famille… »

« Pas rare, mais taboue »

« Nous, on les connaît, nos enfants qui souffrent de schizophrénie », confirme Thérèse Ciliento, chargée de la permanence téléphonique et de l'accueil des familles à Schizo Espoir, « il y a beaucoup de détresse en eux, mais ils ont tous une vie. Il faut les soutenir face à ce grand mur qui se dresse devant eux, et ce n'est pas facile, car nous sommes seuls. L'association permet de parler, se soulager, partager, trouver ensemble des solutions, même s'il n'existe pas de solution miracle. » Aujourd'hui, les membres de l'association se réuniront en assemblée générale pour faire le point sur leurs activités et pour débattre sur le Plan de santé mentale mis en place par le ministère de la Santé. « C'est paradoxal, s'étonne le Dr Hodé, la psychiatrie est la deuxième cause d'hospitalisation après les troubles cardio-vasculaires, et la première spécialité médicale. Et pourtant elle reste le parent pauvre de la médecine. Dans notre cas, nous demandons à voir, des actes et non des effets d'annonce. » Thérèse Ciliento va plus loin : « On parle de la schizophrénie quand il y a un drame. Lors de la tragédie de Pau, la maman du jeune homme malade avait pourtant tiré la sonnette d'alarme et elle n'a pas eu d'aide. Personne ne l'a écoutée. Nous aimerions que l'on dise aussi que les malades sont avant tout des êtres humains, que beaucoup d'entre eux travaillent, mènent une vie normale. Cela dit, le ministère aurait beaucoup à faire pour améliorer les conditions de vie de ceux qui en souffrent. Notamment en développant des structures d'accueil, parce que la majorité des malades sont à la charge de leurs familles, et en attribuant des fonds pour la recherche médicale. La schizophrénie n'est pas une maladie rare, mais taboue. Même dans les familles, où l'on fait face à de l'incompréhension et de la peur. » Cette assemblée générale sera donc l'occasion pour les membres de Schizo Espoir d'accueillir le grand public et plus particulièrement les familles qui peuvent être touchées par la maladie sans savoir vers qui ou quoi se tourner. Une façon de briser le silence et d'envisager l'avenir avec un peu plus d'espoir.

Anne Suply

L'Alsace, vendredi 10 juin 2005

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